( colouring the void )

NOM, PRÉNOMS : marsen, nom d'un discret homme d'affaires, sans scrupules et sans morale, qui a construit sa fortune sur les mensonges et les coups bas. un nom qu'il préfère abrévier à "mars", comme pour se distancer de ces idéaux qui ne le rejoignent pas. edmond, dont l'orthographe témoigne de ses origines françaises pas si lointaines. ÂGE ET DATE DE NAISS. : il est né un 1er décembre, il y vingt-deux ans. un deux et un deux à côté bien serré. ça fait même pas un quart de siècle qu'il est sur cette planète.  NATIONALITÉ ET LIEU DE NAISS. : américain et né dans les hamptons. si la tendance se maintient, il n'est pas prêt de quitter. né dans les hamptons, crèvera dans les hamptons. ORIGINE, LANGUES PARLÉES : américain par son père, français par sa mère, sa langue première est l'anglais, il a également une bonne maîtrise du français. il connait quelques bribes d'italien, mais ce sont seulement des termes musicaux. DANS LES HAMPTONS DEPUIS : sa naissance, ses parents y ont emménagés plusieurs années auparavant. NIVEAU D'ÉTUDES : toujours aux études.  BOULOT OU TYPE D'ÉTUDES : il étudie présentement le piano au consevatoire. il donc passe ses journées à marteler des touches noires et blanches, à plonger la tête dans ses partitions et à se perdre entre les lignes de la portée. REVENU MONÉTAIRE : il n'a jamais eu à se préoccuper de l'argent, s'il a besoin de quoique ce soit, le compte bancaire de ses parents est à sa rescousse. ($$$$$$$$). ORIENTATION SEXUELLE : en fait il s'en fiche pas mal. STATUT MATRIMONIAL : edmond, il n'appartient à personne, il vogue et ne s'arrête pas. NB D'ENFANTS : aucun. TRAITS DE CARACTÈRE : mélancolique; persévérant; stressé; sarcastique; minutieux; tolérant; sensible; mesquin; téméraire; juste . GROUPE : east hampton.

il aime l'odeur de l'essence. il l'associe avec la grande ville, la fuite vers l'inconnu et les visites la nuit dans les stations-essence, à moitié réveillé, entre deux mondes. // il a une bonne compréhension du français et le parle lui-même sans trop de problèmes. il a définitivement un accent américain lorsqu'il le parle, malgré que sa mère lui ait appris la langue depuis qu'il est tout jeune. il n'a pas eu régulièrement eu l'occasion de le pratiquer. // il a peur du noir, la nuit complètement noire l'angoisse. // il a eu quelques histoires strictement romantiques, mais elles n'ont jamais duré longtemps. // passion cachée, il aime beaucoup écrire à ses heures perdues. il écrit surtout en anglais, mais parfois se tente a d'hasardeuses tentatives en français. // // il ne parle pas fort, crie très rarement. il a plutôt la manie d'enfouir ses émotions en lui. mais des fois, ça explose. // son moyen de transport préféré, ce sont ses pieds. // il a un serpent de compagnie, basil. // malgré ses études, il écoute d'autres styles de musique que le classique. d'ailleurs, sa chanson préférée est venus as a boy, de björk. autrement, il apprécie particulièrement l'indie et l'électro. // enfant unique, il lui est souvent arrivé d'en ressentir la solitude. // il a la dent sucrée et fait souvent un détour par une pâtisserie de la ville sur le chemin du retour à la maison. // il ne sait pas du tout gérer son argent, il le dépense n'importe comment, sans trop y réfléchir. heureusement que son compte de banque n'est pas prêt d'être à sec. 

C'est la musique qui l'a arraché des griffes de la réalité. Il semblerait que le monde pourrait s'écrouler, s'embraser, et Edmond continuerait à marteler le clavier sans relâche, les yeux à demi-clos. Une tentative désespérée de s'extirper de tout ce qui est trop familier. Ses cheveux humides s'aggripent à son front, mais pas question de s'arrêter ne serait-ce qu'une seconde. Il court, Edmond, il court sur les lignes de la portée, il s'arrête brusquement sur les silences, cogne les touches sur les staccato, sans jamais reprendre son souffle. Ses yeux survolent à peine la partition, parce que les notes, elles sont dans sa tête. Une goutte de sueur vient s'écraser sur le clavier et son doigt glisse. Il se relève et soupire. Ferme les yeux, remue les doigts. Il n'a plus qu'à tout reprendre du début. Faux-départ.

Les visages ombragés n'osent pas le regarder en face. Il tremble dans son petit costume noir. C'était une triste journée de novembre. Le mois de novembre est toujours tellement triste. Les festivités d'octobre sont terminées, et celle de décembre ne sont pas encore arrivées. On a tout le temps de remuer nos pensées, les moins belles. Edmond ne pleure pas. On dit que c'est bizarre. Entassé sous un parapluie à côté de son père, ce grand homme qu'il a l'impression de ne pas connaître. Tout défilait tellement vite devant ses yeux. Comme une vieille cassette qui saute des bouts. Spectateur de sa propre vie. On disait que c'est injuste. Qu'elle était tellement jeune. Qu'elle avait un bel enfant. Ce même enfant qui pourtant ne versait pas une larme aux funérailles de sa propre mère. Il aurait le temps de les verser plus tard, ces larmes. Des mois plus tard. Des années plus tard. Quand ses doigts effleuraient le piano à nouveau, après s'être interdit de soulever le couvercle poussiéreux. Ça faisait trop mal. Elle en jouait tout le temps. Ses notes, un peu maladroites mais chaleureuses, emplissaient l'air, gonflaient la salle avec un vent venu d'ailleurs. Edmond, quand il joue, c'est plus douloureux. Les notes s'accrochent au vide un temps de trop. Ses doigts s'emmêlent et ses pensées aussi. Mais chaque jour, il s'asseoit sur le petit banc, le dos droit, comme sa mère le faisait. Il s'installait ainsi juste après être revenu de l'école, avant que son père ne rentre. Son père qui n'approuverait définitivement pas. M. Marsen souhaiter rayer de son existence tout ce qui pouvait lui rappeller sa défunte femme. Edmond se rappelle encore du jour où son père l'a surpris à lire les vieux bouquins en français de sa mère. Sa connaissance du français jusque là n'était pas particulièrement approfondie. Seulement sa mère lui parlait en français. Et une nuit, alors que la lumière de la lune ne parvenait même pas jusqu'à la fenêtre, il s'aventura dans la vieille bibliothèque. Un bizarre besoin de se connecter. Son père a jeté les livres. Mais il était trop tard, et Edmond était déjà tombé amoureux de cette langue aux sons inconnus. Il s'était plongé dans cette langue tout comme dans le piano.

Et puis un jour son père était rentré plus tôt que prévu. Sans doute lui avait-il fallu moins de temps pour conclure ses sales affaires cette journée-là. M. Marsen n'hésitait pas à écrabouiller ses concurrents, sans scrupules, sans culpabilité. Aujourd'hui il s'asseoit sur son trône, composé des cris des malheureux qui ont fait l'erreur de lui faire confiance. Edmond a peur. Peur de tourner comme lui, d'oublier ses sens à son tour. Alors il joue, il joue, et ses doigts rebondissent sur les touches, ses yeux lisent les notes mécaniquement sur la portée. Il s'embrase et il s'enfuit, loin des murs peints en blanc, des vieux meubles, de la maison beaucoup trop grande pour deux personnes. Un râle grave le sort de sa torpeur. Il sursaute. Son père se tenait à l'entrée de la pièce. « Tu pourrais en vivre tu sais. Tu pourrais devenir riche. » Dans sa tête, c'était que des billets qui tournaient dans tous les sens, les notes s'arrachaient de la portée pour redescendre en pluie verte. Et Edmond n'en voulait pas. Mais en vivre, il voulait bien. Vivre bercé dans cette mélancolie, en parallèle au monde ordinaire, faire partie de ceux dont l'existence ne tient qu'à un brillant amalgame de bois et de cordes. C'est le seul conseil de son père qu'il s'autorisait à suivre.

Il se tenait sur les marches du conservatoire, dossier de partitions sous le bras. Il avait été accepté. Ça semblait tellement irréel. Et pourtant, tout semblait faux depuis ce jour de novembre. Comme une rupture dans l'univers, comme s'il y avait eu une pause depuis cette journée-là, et qu'aujourd'hui la pièce reprenait. Da Capo al coda. Les journées semblaient moins grises entre les murs du conservatoire. Doigts fins qui pianotent sur le rebord de la fenêtre. Edmond croyait vivre dans une espère d'intemporalité. Et puis il y a eu le soliste. Un violoniste de talent. Et puis lui, son accompagnateur aux pensées délinguées, qui ne peut s'empêcher qu'il n'est pas à la hauteur. Ce violoniste, il ne fait pas que jouer les pièces. Il les réécrit au fur et à mesure. Jamais deux interprétations pareilles. Ça tranchait incroyablement avec Edmond et ses doigts qui suivent mécaniquement la partition. Il devait apprendre à son tour à s'adapter. Apprendre à vivre.

Au début, Edmond ne voulait pas lui faire confiance, avec sa tête trop haute, trop fière, avec sa façon déstabilisante de regarder les gens dans les yeux. Edmond pensait que c'était l'un de ces enfants qui ne cherchent que la richesse. Tellement déconnecté, Edmond, qu'il ne s'est pas rendu compte que c'était l'inverse. Le violoniste qui se jaunit les doigts à la nicotine, qui entraîne Edmond hors du conservatoire seulement une fois le soleil tombé loin derrière l'horizon. Son anneau d'argent au pouce, où s'accroche la lumière des phares des voitures et des lampadaires qui grésillent. Le violoniste qui a pris sa main, ses doigts fins entre ses doigts délicats. Leurs mains de musiciens l'une dans l'autre. Comme ça.

Edmond, il n'arrête pas de pratiquer. Des heures et des heures durant. Son échappatoire. Des fois, il se dit qu'il devrait arrêter de courir, prendre le temps de respirer, durant un silence ou deux. Et puis il lui prend l'envie de se remettre à s'enfuir, parce que tout paraît irréel parfois. Il court derrière la vérité, mais elle vole toujours plus loin, plus haut. Edmond, ses ailes nouvelles vont fondre sous le soleil timide des jours de novembre.