( a lie, a love, a life )

Dans la semi-pénombre de l'atelier, seul le son d'une lame se frayant un chemin à travers le bois perce le silence ambiant. Dehors le soleil laisse place à la clarté de la lune qui s'élève doucement dans l'infini du ciel. Perdu dans l'intensité de ses mouvements, Jedh caresse de la paume de sa main l'arche encore partiellement taillée. Ses mains courent sur le bois, laissant derrière leur passage quelques lamelles finement déliées. Avec une naturelle intensité et sans prendre conscience des minutes qui filent, Jedh poursuit sa manoeuvre, sculptant le bois, retouchant chaque centimètres de cette création. Une goutte de sueur venant barrer sa vue, il ne se permet de quitter ses outils des mains uniquement pour s'éponger le front de son avant-bras. Jedh est concentré, trop peut-être puisqu'il faut que son visiteur se mette à tambouriner vivement à la porte pour qu'il daigne remarquer sa présence. Persuadé qu'il s'agit une fois de plus de l'emmerdeuse de première venue faire des siennes il met un temps fou à répondre, invitant de la plus courtoise des manières qui que ce soit à pénétrer dans son entre. « Open ! » La porte s'ouvre, ce qu'il ne remarque que par ce grincement si familier du rouage. « You seem so happy to see me, dude. Don't try to smile more, you could break your mandible. » Le timbre de cette voix... Jedh relève le regard et, dans un soulagement indéfinissable, soupire. « Oh man ! I though you were... never mind. » Dans un rire prononcé, Adrian dépose un pack de sa meilleure blonde sur un des plans de travail. « I see that she's still encroaching on your sweet territory. » Sans difficulté, il perçoit l'ironie malicieuse de ses mots. « Please... she's making me insane ! Sometimes i thing that one more day and i swear that.. i don't know, i hate the fact of living with someone, with a damn woman. » Alors que ces mots sortent comme un juron de ses lèvres, dans un sens ils sonnent faux, mauvais. Jedh, cette situation il ne la gère plus, ne la supporte plus, mais est-ce réellement de sa faute ? Chiles, cette femme enfant, ce bout de demoiselle devenue squatteuse sur le long terme. « Poor little thing ! Did you try to make her sleeping on the couch ? » - « Of course i did ! But she's alway finding her way to my bed, always. » Adrian éclate, d'un rire franc et incontrôlé face à cette scène qu'il se représente bien malgré lui dans son esprit. « You must be kidding me !? » Jedh lui lance le regard le plus noir et menaçant dont il est capable, le sommant de ne pas en ajouter d'avantage. Puis d'un geste presque automate il porte sa bière à ses lèvres et s'imprègne du liquide frais qui remplie sa gorge. « Dixit sir i've got no balls since my future wife took the control of my dick. » Adrian le gratifie d'un doigt tandis que Jedh laisse enfin sa mauvaise humeur de côté et se met à rire de bon coeur.

Le silence. Inhabituel, pensant. Pas un son, un bruit dans cet appartement vide, calme. Sur la table, une note, quelques mots griffonnés sur un bout de papier. Cette écriture ronde et élégante, féminine et enfantine. « I made food but you can eat something else, i think it's pretty awful. I'm away for a few hours, don't wait for me. Chiles, xx. » Bien malgré lui ces quelques mots lui arrachent un sourire qu'il recrache aussi tôt, déposant la lettre où il l'a trouvé quelques secondes plus tôt. Après un instant d'hésitation il s'empare de ce qu'il lui semble être un croque-monsieur, ou un sandwich, il ne sait pas bien la couleur n'étant pas significative. Dangereusement il croque, marche et avale. Chiles avait raison, cette merde est plus que dégueulasse. Et pourtant Jedh en avale l'entièreté avant de se laisser s'écrouler sur le canapé. Seul, enfin seul. Voilà bien longtemps qu'il n'avait pas eut le plaisir d'avoir l'appartement pour lui. Et pourtant... Seul, il se sent petit, l'appartement lui paraît grand, trop grand, mais surtout trop calme. D'un soupire, il éloigne de son esprit ces idées embarrassantes. Comment peut-il ressentir le moindre manque de sa présence alors que Chiles lui tape sur le système la quasi totalité du temps ? Sous l'eau bouillante de la douche, Jedh se laisse s'égarer dans ses pensées inopportunes. Jedh, il a été surpris de trouver la force de partager son terrier avec cette femme qu'il apprend à supporter. Parce que Jedh la compagnie ce n'est pas son truc. Loup solitaire il se sent étouffer par le moindres des gestes, des actions de la jeune femme. Mais contrairement à cette image d'homme froid, dur, parfois incivilisé, Jedh possède un coeur plus grand que ce qu'il aime le faire croire. Chiles, elle était seule, paumée et anéantie. Un peu comme lui. De loup solitaire il se sent passer à chiot hystérique et s'il devait confier la vérité tout ceci l'effraie. Cette situation l'effraie, le changement qu'elle opère sur lui le terrifie. L'eau chaude s'atténue, laissant place à la fraîcheur qui le sort de son délire. Nu comme un verre, Jedh parcourt l'appartement avec liberté appréciant chaque seconde de sa nudité. Le fessier désormais recouvert d'un caleçon propre déniché dans une corbeille destinée aux vêtements à repasser, Jedh grinche de n'en trouver qu'un seul à se mettre sous la main. Désormais dans ce qui autrefois était ça chambre, il se lance à la recherche d'une tenue qu'il portera le lendemain. Sans trop réfléchir, il s'empare du premier pantalon et tee-shirt qu'il lui tombent sous la main. Et, comme s'il n'était désormais plus chez lui, il se perd dans la multitude de tiroirs, de portes coulissantes de cette penderie à l'époque quasi vide. A la recherche du caleçon disparu, il se retrouve finalement nez à nez avec des sous vêtements féminins. Du bout des doigts, il se surprend à piocher quelque chose en dentelle. Secouant la tête comme pour réprimer les pensées étranges qui l'envahissent, Jedh s'apprête à tout refermer lorsque la porte de la chambre s'ouvre sur une Chiles pressée. Elle relève la tête et Jedh les voit. Ses yeux rouges et gonflés, sa peau pâle, son teint triste, ses lèvres tombantes. La bouche grande ouverte, il lâche sa prise instantanément, parfaitement conscient de la perversité que peut avoir cette scène. « It's not what you think it is ! I.. i was just.. » L'éclat de rire de Chiles le coupe net dans ses paroles et il la toise à la fois gêné et agacé. « It's better when it's worn, but if you like to touch, have fun i will not judge you. Everyone loves what he loves, i'm just surprise.. i though you rather be the active kind of guy. » Elle arbore désormais ce sourire malicieux qu'il déteste tant. Ses yeux se plissent et sa mâchoire se crispe, tandis qu'il fait claquer le tiroir dans sa tentative de le refermer. « Don't be pretentious Chiles. Only an idiot, in love, Niels can enjoy the view of a wench like you in that king of crap there. » - « Frustrated ! » - « I'm not.. oh god why am i still trying to talk to a child like you..? » Sur ses mots il quitte la pièce sous le doigt bien intentionné de Chiles qui lui ferme la porte au nez. (...) Allongé sur le canapé qui lui sert désormais de dortoir, les mains croisées contre sa poitrine, Jedh a le regard fixé sur le blanc du plafond. Longtemps il reste immobile, dans cette position. En passant dans le couloir quelques minutes auparavant, il lui a semblé entendre des gémissements de plaintes, de larmes, émaner de la chambre. Songeur, fautif, Jedh culpabilise. Sentiment nouveau et peu apprécié pour un homme qui n'a jamais songé à qui que ce soit d'autre que lui même. D'un bond, il écarte la couverture de son corps et se retrouve debout sur ses deux pieds à se diriger vers elle. Devant la porte, la main idiotement placée en l'air, il ne sait plus s'il doit ou non faire irruption. Sa main, proche de la porte, s'écrase contre son corps lorsque celle-ci s'ouvre. Chiles, le toise et sans qu'il n'y prenne garde, vient se blottir contre lui. Les bras en l'air, Jedh se tente à poser ses mains contre son dos. Il ne sait pas s'y prendre, il ne sait pas quoi faire. Chiles elle ne pleure pas, de toute évidence elle n'a plus de larmes à offrir. Le sentiment inconfortable qu'il ressent s'atténue alors que ses mains caressent son dos. Son corps crispé, se laisse finalement aller à la douceur de son étreinte. « I miss him, i miss him so much. » - « I know.. » Et, dans un geste maladroit, Jedh dépose un baiser dans sa chevelure. Un baiser d'une douceur qu'il ne se connait pas alors que ses bras la serrent dans une tentative de réconfort.