(remember the devil was un angel once too) léo

+one parce qu'on a toujours besoin de s'étaler un peu.  
(si vous voulez un lien, n'hésitez pas, je ne mords pas toujours et puis Léo n'est pas trop méchante )

The Age of Dissonance Wasn't Supposed to Happen

« Celui-ci lui irait bien, non ? » Leurs deux paires d'yeux sont rivés à la vitrine. À l'intérieur, dans un petit siège de velours rouge, trône un pendentif en or argenté. Une merveille. Une tête de tigre, surmontée d'une couronne de flammes. Un véritable trésor. Léo attend l'approbation d'Imogen. Elles doivent trouver un cadeau à la hauteur d'une de leurs amies en commun. Celui-ci est cher, mais à plusieurs, ça sera abordable. Imogen hoche la tête avec entrain. En fait, Léo trouve que ce bijou lui irait bien à elle, aussi. Elle se le prendrait presque, si elle en avait les moyens ! Mais même si papa et maman peuvent se permettre des excès, une telle chose n'en fait pas partie. Il n'y a pas grand monde, dans la bijouterie. Les deux amies, un couple de jeunes mariés sûrement, une dame un peu âgée, un homme un peu seul, en tongs, une chemise à carreaux. Léo se souvient s'être demandée ce qu'un type comme lui pouvait bien faire dans une boutique de la sorte.
Puis elle l'a oublié.
Enfin. Elle l'a oublié jusqu'à l'instant précis où il a collé le canon d'un pistolet contre sa tempe.
(...)
« Tout le monde à terre, et vite, ou je la descends ! » La voix a grincé à ses oreilles comme une vieille porte. Léo ne bouge plus. Elle s'est figée. Elle ne respire même plus – elle n'ose pas ! De peur que le moindre tremblement ne provoque l'appui sur la gâchette. Jamais encore elle n'a été si près de la mort. Jamais. Pourtant, Léo mène une vie pleine d'aventures, d'appels du danger, d'adrénaline. Mais c'est la première fois qu'elle se retrouve là, au bord du gouffre. Elle fixe Imogen, sa meilleure amie, recroquevillée au sol non loin d'elle. Leur échange de regards est cruel, affolé, plein de ces terreurs qu'on ne nomme pas. Ce que Léo n'a pas vu, c'est qu'un imbécile – le jeune marié – tente en douce de s'échapper. Le coup de feu fait trembler les murs de la bijouterie où un silence de mort s'installe. Parce que la peur a une odeur, Léo la sent très bien. Elle sent même que son agresseur a peur. Il est terrorisé. Elle voit le jeune marié se recroqueviller dans un coin. Mais il ne saigne pas. N'a même pas l'air blessé. Ce qu'elle sent après coup, c'est la douleur qui irradie son pied droit. Une douleur fulgurante, un lance-missile, une vague de flammes ; et qui ravage tout. « J'ai dit quoi ? J'ai pas été clair ? Alors personne ne bouge, ou je la descends vraiment. »
Puis l'agresseur jette Léo dans un coin. Elle se rattrape maladroitement, se cogne la tête au sol, s'assomme à moitié. Imogen n'ose même pas bouger. Le braqueur se dirige vers les vitrines, qu'il fracasse rapidement. Mais alors qu'il s'attaque à la dernière partie de la bijouterie retentit un appel décuplé. « Veuillez sortir les mains sur la tête, rapidement. Je répète. Veuillez... » Léo entend la voix à moitié. Par la fenêtre, elle distingue les gyrophares bleus et rouges. Ils sont venus pour les sauver. Pour la soigner, aussi. Elle gît à moitié dans une mare de sang, qui remonte de sa jambe jusqu'à venir tâcher son t-shirt. Elle ferme les yeux, la douleur rend sa respiration difficile. Elle fait le point.
Elle a vingt-trois ans. Il lui manque tout, dans sa vie. Elle n'a pas encore vécu. Bien qu'elle se dise souvent qu'elle ne regrette rien de ses folies... Elle souffle. Lorsqu'elle rouvre les yeux, les policiers masquent l'entrée rassurante de la boutique. Mais ils n'ont pas le temps de faire un seul pas qu'elle se retrouve de nouveau empoignée. La douleur au pied la contraint à pousser un gémissement incontrôlé. Elle est remise debout, soutenue à la force seule des bras de son ravisseur. De nouveau, elle retrouve le canon froid contre sa tempe. De nouveau, elle voit sa vie (courte) défiler devant ses yeux clairs. Elle voit les flics qui se figent. Elle voit leur hésitation. « Reculez, ou je l'emmène. » Il se sert du corps de la rouquine comme d'un rempart. Ils n'oseront pas tirer. Ils ne tueront pas cette gamine dans l'espoir d'avoir le braqueur. Sa menace est claire. Pourtant, Léo les maudira, ces justiciers, au moment où elle les voit, en écho, faire un pas en avant. Un coup de feu fait exploser le lampadaire de verres au milieu de la pièces. Il y a des éclats, des cris, le bruit des étoiles de verres qui s'écrasent au sol. La peur, la terreur, l'agitation.
Mais, au tableau désolant de la bijouterie braquée, tâchée d'une flaque ensanglantée, il manque une chose. Ou plutôt deux. Le braqueur. Et son otage.